Les vedettes des Quais de Seine

Publié le par gribouille

Elles se croisent,   remplies de touristes qui nous font coucou d'une main et de l'autre filment, et selfient, Paris en arrière plan,-  parfois   à moitié vides, - un scandale écologique. Et face à  ce ballet de bateaux fluviaux, qui dégorgent du touriste et engorgent la Seine, les vraies vedettes :  nous, danseurs de tango. 

Moi les Quais de Seine j'y vais rarement. Parce qu'il y a le sac avec les clefs de la maison,  la chaleur, les touristes qui filment et vous étiquettent "souvenirs de Paris", le manque de water, d'eau, en bref de confort. Et puis on y retrouve certaines figures de tanguero/as qu'on ne voit quasiment jamais ailleurs : les sans-le-sou. D'une certaine manière la faune sauvage y cotoie celle des Salons, policée et plus raffinée. Là un mec en claquettes pourra venir vous inviter avec un sourire un peu niais : allez, montre moi maintenant comment on danse. Il a cru à  vos jambes dénudées que vous étiez une fille facile, qu'il avait toutes ses chances. Et puis franchement vous passiez de bras en bras, souriante toujours : c'est pas un signe ça ?

Mais la vue est magnifique. Un léger Zéphir en fin de journée, le soleil qui commence à faire du rase-motte, la musique, et puis l'espace, la Seine d'un coté, la verdure de l'autre. Tout ce qui fait Paris si beau, ou si belle (je ne suis pas sexiste). 

Et des moments magiques.

Cet homme qui la chemise déboutonnée cherche à affoler les dames par ses trois poils blancs qui en sortent : magique !

Ou cet autre qui me tord le poignet pour me guider, le sourire extatique : magique !

Un autre dans les pieds duquel je cogne régulièrement mes délicats orteils : magique, vous dis-je !

La voix d'une femme, sirène de la bêtise, avec des pois pleins les habits qui n'a pas arrêté de vrombir autour de ma malheureuse personne assise dans son périmètre d'attaque.

J'ai du m'en aller quand un danseur

que j'ai déjà évoqué ici

 est venu s'assoir pour me parler  et m'inviter à passer des vacances avec lui.

Mais peut-être bien forcé-je le trait pour donner du relief à nos/mes platitudes habituelles : tout ceci écrit sans grande conviction, comme si le monde du tango perdait peu à peu à mes yeux tout pouvoir. Sa magie justement. Comme si le monde finalement ne pouvait remplir toutes ses promesses et s'affadissait au fil du temps qui corrode, use et abuse nos attentes. 

C'est que beaucoup a été dit, pas grand chose. Que reste-t-il à éprouver, sinon nos illusions ?

Mais il suffit d'un bon danseur pour que le monde se ré-enchante, - momentanément. 

Et puis c'est le printemps, il faut y croire un peu, malgré nous, malgré tout. Je suis réveillée chaque matin par le chant d'un oiseau qui n'en finit pas de rendre grâce à la vie, accompagnant le lever du jour, s'accordant au monde en quelques notes inlassablement répétées. La magie est là, dans ce rituel d'une simplicité désarmante.

Le tango aussi peut offrir des instants de grâce, parfois c'est juste une sorte de routine que l'on subit en attendant que surgisse un feu follet. Ainsi, comme ces vedettes qui vont et viennent sur la Seine du monde, notre cœur tangue, d'une rive à l'autre, de la joie à l'ennui, de l'amour à la détestation, accumulant ses clichés, ne reculant devant aucun d'eux même !  et rêvant d'un monde sauf et neuf, scène pour une autre pièce, - rêvant d'une écriture renouvelée, mais ça, ça sera peut-être pour une prochaine fois. 

 

 

 

Publié dans Paris

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Tu me mets l'eau (de la Seine) a la bouche.....J'en reve ! ....Peut etre rdt ce le syndromr " du caviar encore du caviar"...En tout les cas ton talent de conteuse est irise comme l'eau miroir du ciel.....
Répondre
G
"rdt ce le syndromr"... hahahaha. zut alors, je sèche : "rondement c'est le syndrome"....ou peut-être : "est-ce le syndrome". On a compris l'idée. Oui t'as raison. Du caviar à chaque repas. Voilà bien le souhait de gens gâtés et (trop) bien nourris. :)
V
Dire que je me faisais tout un rêve des quais tout en tango... Ici ou ailleurs, en plein air ou dans une salle, finalement, finalement... je regrette le temps où j'étais encore unE débutantE, que j'espérais tout... du tango, que ce soit sur la rive gauche ou sur la rive droite de la S...... enfin, du Rhône. Bisous Gribouille, te souhaitant LA tanda de rêve de l'été !
Répondre
G
j'imagine que nos attentes sont toujours plus fortes que la réalité. En même temps c'est nous qui la construisons cette réalité. Alors que penser ? que faire ? C'est vrai que lorsque tout est nouveau, tout semble possible et puis, se frottant au factuel, et aux gens,... ça retombe comme un soufflé : le principe de réalité. Il nous reste le rêve, toujours, pour repousser les limites, ou alors l'acceptation dans la joie simple d'être vivant, dénuée de tout espoir superflu. Mais nous ne sommes pas des sages. A toi aussi, LES tanda de tes rêves ! biz