Le sourire

Publié le par gribouille

Il voudrait que je sourie. Il me le dit. Souriez. Vous avez un joli sourire. Ah ? Donc ? Je serais, parce qu'invitée, obligée de sourire. Mais je n'ai pas envie de lui sourire. Son injonction me déplait. Il me déplait. J'aurais dû refuser la danse. Maintenant je fais la gueule. C'est tout de même curieux ces mecs qui, sous couvert de vous faire un compliment, vous disent comment être.

En voilà un autre qui parle d'une femme. Elle manque vraiment de féminité. Ce que cela peut signifier, j'en sais trop rien. Robe peut-être. Maquillage. Aguichante sans doute. Séductrice. Serait-ce que la femme doit éveiller le désir ? A moins qu'elle ne doive sourire : sois belle et tais toi. Fais plaisir à ton homme.  J'ai eu envie, alors que je ne le connaissais pas, un simple inconnu qui parlait dans une queue à la personne qui l'accompagnait, de me retourner et de lui  envoyer à la figure un cliché, de lui dire donc qu'il serait bien qu'il soit masculin lui, musclé, le torse développé, la voix grave, le regard noir, au lieu d'être ce qu'il était : tassé, bedonnant, à moitié chauve, suffisant.

Pour revenir à mon danseur, j'ai été tenté d'avouer que je n'avais aucune envie de sourire, que rien, surtout pas lui, ne le justifiait. Mais je me suis tue, le visage fermé, attendant la fin de la tenda.

La femme au tango se doit être sinon élégante, du moins désirable. Un minimum. Pour être invitée.Souriante oui, un peu, pas trop. Parce que ça fait partie des codes du tango. Parce que c'est le jeu, d'ailleurs bien plaisant. 

Le tango est un monde à part, une bulle, loin des violences et du tumulte urbains, des contraintes et contrariétés. Je veux bien, comme sur chaque scène sociale, jouer un rôle, respecter les règles, mais je ne voudrais pas pour autant me transformer en un simple pantin, pas plus qu'en un cliché.

Le sourire
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